Paroles de citoyens

Victoire

35

 ans

Directrice d’Ehpad dans les Hauts-de-Seine

Hauts-de-Seine

Victoire
Il faut donner les moyens aux infirmiers de faire leur boulot correctement, pour les fidéliser et arrêter l’hémorragie des reconversions pro
Victoire

Je suis une ancienne infirmière, mais  je me suis reconvertie assez rapidement pour devenir directrice d’Ehpad. En dix ans, au moins la moitié de ma promo s’est également déjà reconvertie. Parmi mes amis qui sont restés infirmiers, ce qui les fait souffrir, c’est le manque de moyens matériel et humain. Avec la politique d’économies à tout prix à l’hôpital, les services manquent de tout. J’ai une amie infirmière au bloc opératoire, elle est parfois obligée de changer d’étage en pleine opération pour aller chercher du matériel ! 

Sur le plan humain, tous les métiers de la santé sont en sous-effectifs criants.

Les gens sont obligés de faire des heures sup, de cumuler les petits boulots… En maison de retraite, il m’est arrivé de devoir prendre des gens en vacation alors qu’ils étaient déjà en CDI ailleurs, ou des aides-soignants pour faire les nuits alors qu’ils suivaient leurs études d’infirmiers dans la journée… On est obligés d’embaucher des gens en sachant qu’on va les épuiser. 

Sur le manque de matériel, avec les différentes crises de l’hôpital et le scandale révélé dans certains Ehpad, je pense que les moyens vont venir. En revanche, sur le plan humain, beaucoup d’hôpitaux essaient de recruter mais n’y arrivent pas. Cela passera par une revalorisation des salaires, qui sont beaucoup trop faibles, mais pas uniquement. 

Certes, le métier d’infirmier est dur, on accompagne la mort, des gens en grande précarité, aux urgences on ne sait jamais sur quoi on va tomber, c’est un métier épuisant psychologiquement. Mais les infirmiers sont aux 35 heures, donc quand les choses sont bien organisées dans un bon environnement de travail, ça peut bien se passer. L’enjeu, c’est le management. Moi par exemple, on me demandait d’embaucher des aides-soignants avec des salaires de débutants, alors que j’avais besoin de gens qualifiés. Je me suis battue. Mais à l’hôpital public, tout est tellement encadré, verrouillé, que c’est très difficile d’insuffler une bonne dynamique pour faire bouger les choses.”