Au printemps 2022, le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie a mené auprès de ses clients, élus et collaborateurs, une vaste consultation sur la plateforme Make.org autour de la question “Quelles doivent être les priorités d’actions pour les CCI à l’avenir ?” Cette consultation a rassemblé 23 000 visiteurs, 1360 propositions et 150 140 votes. Le Directeur général de CCI France, Anthony Valentini, revient sur l’impact de cette démarche participative sur la construction du plan stratégique 2022-2027. Et plus globalement sur l’état d’esprit et la vision au sein du réseau.
Pour resituer le contexte, nous sommes un réseau de 122 chambres sur l’ensemble du territoire, ce qui représente 4 400 élus et chefs d’entreprises engagés dans les chambres territoriales en tant que bénévoles, et 14 000 collaborateurs qui déploient les projets portés par notre réseau. On sortait d’un exercice de renouvellement à travers nos élections, qui ont lieu tous les cinq ans, et le président national a souhaité définir une feuille de route stratégique pour les cinq années à venir. De manière assez classique, nous avons imaginé une mobilisation de notre réseau à travers des ateliers, pour faire émerger des idées, des positions. Mais ce qu’on a surtout voulu faire, c’est donner la parole à nos clients et rendre notre démarche opposable.
On voulait être certains qu’au cours des cinq années à venir, à chaque fois qu’on allait nous demander pourquoi on menait telle action, pourquoi on avait pris telle orientation ou tel engagement, on pourrait le connecter à ce que nos clients nous ont dit de façon totalement désintermédiée. On ne dirait plus “j’ai croisé un chef d’entreprise qui m’a dit que…” ; c’est le chef d’entreprise lui-même qui se serait connecté et aurait dit directement ce qu’il pensait.
C’était très important pour nous, et très nouveau. Je ne vous cache pas qu’au début, nous avons eu des débats dans notre gouvernance, car nous étions rattrapés par nos vieux démons. Quel panel de gens allait répondre ? Serait-t-il assez segmenté, représentatif de la diversité des territoires ? Finalement on a lâché prise et on s’est lancés dans l’aventure.
Après, nous avons été extrêmement satisfaits de la démarche pour plein de raisons. La première, c’est que ça fait du bien de lâcher prise ! Notre réseau a eu le sentiment de faire quelque chose de différent, d’innovant, et c’est très rafraîchissant. Le deuxième élément de satisfaction, c’est que ça a marché. Dans les métriques de la consultation, nos clients se sont exprimés assez fortement, avec beaucoup d’idées, beaucoup de propositions, un nombre de connexions très important à notre échelle, donc nous avons atteint cet objectif-là. Et nous sommes aussi satisfaits parce que ce qui nous a été dit a fait sens par rapport à nos réflexions et à la manière dont on a fait atterrir le plan stratégique.
Cette consultation est venue éclairer, confirmer, réorienter tout ce qui devait l’être. Le contenu a été extrêmement riche, et nous en avons tiré les 10 enseignements clés de nos clients, que nous avons partagés avec tout notre réseau et que nous essayons d’apprendre par cœur !
Et le dernier point, c’est que nous avons passé de très bons moments humains avec l’équipe de Make.org ! Parfois le travail de conseil sur certaines approches peut être un peu aride, mais là, l’équipe était vraiment très sympa, très dynamique, et très professionnelle pour nous accompagner dans ce cheminement.
Nous avions des débats au sein de notre réseau que cette étude a permis de trancher. Par exemple, on se demandait toujours si on était plutôt un établissement public, ou si on devait plutôt aller vers une logique privée, indépendante. Le résultat de la consultation a mis un terme à ce débat parce que les clients nous ont clairement dit : “Nous avons besoin d’un service public à l’entreprise, qui doit être incarné par le réseau des CCI”. Donc cela nous a aidés à progresser dans nos débats internes. Cela ne veut pas dire qu’aujourd’hui tout notre réseau est aligné sur ce point, mais on connaît la voix du client, et c’est précieux.
Il y a aussi des choses qu’on avait un peu perdues de vue, notamment la capacité à être innovants. Il faut qu’on renoue avec notre ADN et qu’on développe de nouvelles offres de services, de nouvelles prestations pour les entreprises. On ne peut pas se contenter de gérer le stock. Les clients nous ont dit qu’ils avaient besoin qu’on soit dans l’anticipation des tendances, des éclaireurs sur ce qui va se passer dans le monde des TPE / PME.On n’avait pas vraiment perdu confiance, mais par moments vous pouvez avoir moins d’appétence à l’innovation, vous sentir moins concernés par le fait d’ouvrir des voies, de tracer des chemins pour vos clients. La consultation nous a donc rappelé que nos clients attendaient cela de nous. Et nous en avons conclu que certes, il fallait apprendre à vivre avec un peu plus de frugalité, mais que nous étions quand même attendus sur de la prospective. C’est un discours que nous nous sommes réappropriés grâce à cette étude.
Il y a également eu des points de confirmation. Nous avions l’intuition que notre vraie valeur ajoutée, c’était la proximité de terrain, le fait d’être vraiment l’acteur du dernier kilomètre de l’accompagnement des entreprises. Et là, nos clients nous ont très clairement dit, en effet, que notre actif principal était notre maillage sur le territoire, pas seulement à travers l’incarnation physique, mais aussi grâce à notre proximité relationnelle avec eux. Un chef d’entreprise a confiance dans son conseiller CCI, dans son élu CCI, parce qu’il provient du même monde, parce qu’il sait qu’on est un établissement public, qu’on est là avant tout pour le soutenir et l’accompagner dans la durée. Donc cela nous a aidés à confirmer ce principe clé qui est notre atout majeur, à le compléter et l’enrichir. De ce point de vue là, c’était très éclairant.
Enfin, certains résultats ne sont pas toujours agréables à entendre. Comme par exemple le fait que nous ne sommes pas toujours tout à fait ajustés dans les compétences que nous mobilisons. Les besoins des entreprises évoluent vite, est-ce que nous arrivons à faire évoluer aussi rapidement les compétences de nos conseillers ? Ces effets miroirs nous ont poussés à essayer de corriger certains petits défauts.
Les clients nous ont dit par exemple : il faut que les compétences dans les CCI soient à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face en tant que patrons de TPE / PME. Nous venons donc de créer la CCI Académie, une grande école de formation interne au réseau des chambres, pour homogénéiser à la hausse le niveau de compétences de nos élus et collaborateurs. Nous allons lancer les premières promotions au mois de novembre 2023. Le fait que nos clients nous aient alertés sur ce point a clairement été un déclencheur.
Aujourd’hui, cette consultation est toujours à portée de vue et à portée de main de nos travaux. Nous avons adossé les éléments du plan stratégique à ce que nous ont dit nos clients, et si nous avons des hésitations, nous nous référons à la consultation. Nous interrogeons tout ce que nous faisons à l’aune de ce livrable, et des 10 commandements que nous en avons tirés à partir des 10 messages clés de nos clients.
C’est précieux, et il faut qu’on continue à faire ça. A mi-mandat, à mi-parcours, après deux ans de déploiement du plan stratégique, il faudra peut-être qu’on regarde l’ensemble de nos travaux pour voir en quoi ils s’inscrivent vraiment dans ce que nos clients nous ont dit. Et les attentes du clients vis-à-vis des chambres peut aussi évoluer. Donc pourquoi pas les réinterroger et réactualiser cette étude pour s’assurer qu’on soit toujours cohérents !