La journaliste Charlotte Pudlowski est la co-fondatrice et la présidente du studio de podcasts Louie Média. Pour la deuxième saison du podcast “Injustices”, elle a conçu la série “Ou peut-être une nuit”, mélange d’histoires intimes, de témoignages et d’analyse politique sur le sujet de l'inceste. Un “essai personnel”, aussi, puisque l’idée de cette enquête lui est venue de sa propre famille. Louie Media est partenaire de la Grande Cause de Make.org pour la Protection de l'Enfance.
J’ai appris il y a huit ans qu’il y avait eu de l’inceste dans ma famille maternelle. Ce qui m’a vraiment sidérée quand j’ai appris cela, c’est le silence. Que même dans une famille comme la mienne, très aimante, très joyeuse, où on nous incitait à dire les choses, à poser des questions, très propice à faire émerger les récits, on n’avait pas pu en parler. C’était resté tabou, et c’est vraiment cela que j’ai voulu creuser et comprendre. Que charrie la parole autour de l’inceste pour être si subversive ?
Le tabou autour de l’inceste, ce n’est pas seulement de le commettre, c’est de le dire. Nous sommes tous conditionnés depuis l’enfance à ne pas parler de ces choses-là. Quand il y a de l’inceste, il y a toujours du silence autour, c’est même la condition de sa perpétuation. Que ce soit à l’intérieur d’une famille, ou à l’école. On sait qu'il y a deux ou trois enfants victimes dans chaque classe. Et pourtant, les profs ne nous disent jamais : « Voilà, si Sandrine ou Cyril ne va pas bien, c’est parce qu’il se passe cela dans sa famille… ». On ne pose pas de questions, on ne s’en occupe pas, et on grandit avec l’idée que certaines personnes se font maltraiter, violer, et qu’on n’en parle pas. Après, à l’âge adulte, il est très difficile de remettre en cause cette injonction au silence. On connaît les chiffres, qui sont avérés depuis des décennies, il y a des études et des articles qui sortent régulièrement… Mais quand on s’est construit avec un silence, il est très difficile d’aller à son encontre.
Il y a un enjeu majeur avec les violences sexuelles intrafamiliales, comme pour toutes les violences sexuelles, c’est vraiment que les victimes arrêtent d’avoir honte d’en parler, et que leur entourage soit capable de recueillir cette parole, de l’écouter, et d’accepter de l’entendre. Faire circuler la parole autour de ça, c’est vraiment la première étape pour enrayer la violence. Louie Media a donc choisi d’être partenaire de la Grande Cause parce qu’elle va permettre aux citoyens de s’emparer du sujet, à chacun de s’interroger sur cette question, sur son entourage, peut-être sur son histoire, et sur la manière dont ces faits peuvent être davantage connus.
Il faut former l’ensemble de la société à recueillir la parole des enfants : le corps enseignant, le corps médical et le corps judiciaire.