“Je travaille dans la fonction publique dans le cadre de la protection des mineurs, et avec la libération de la parole, notamment dans le milieu sportif, on a de plus en plus d’affaires d’agression sexuelles qui sont jugées très tardivement. Nous, on fait ce qu’on peut au niveau administratif, on prend par exemple des mesures de suspension ou d’interdiction d’exercer pour des animateurs de centres de loisirs ou des éducateurs sportifs, mais au niveau judiciaire, les tribunaux sont surchargés.
Ce sont quand même souvent des situations d’urgence, avec des personnes en mal-être, psychologiquement détruites, et le système judiciaire ne suit pas forcément, selon les régions, selon les organisations. Parfois les délais sont liés au fait que la personne était mineure au moment des faits mais qu’elle ne prend la parole que quand elle a atteint sa majorité, donc on remet en doute sa parole. Ou alors c’est l’enquête qui est difficile parce que les années ont passé et que les équipes policières n’ont pas les moyens de faire leur travail.
Les procédures judiciaires sont aussi souvent classées sans suite faute de preuves.
Et il n’y a pas de cellule spécifique où la parole pourrait se libérer. Il faudrait réunir des équipes pluridisciplinaires avec des psychologues, des policiers, des institutions qui ont le pouvoir d’agir, pour entendre les personnes et prendre des mesures rapidement. Cela existe pour les enfants mais pas pour les jeunes adultes. Les victimes doivent porter plainte, puis effectuer d’autres démarches dans d’autres lieux, et elles sont à chaque fois obligées de répéter leur histoire douloureuse. Les gens n’ont même pas encore commencé leurs démarches qu’ils sont déjà démotivés par crainte de la longueur de la procédure. C’est cette souffrance qui m’alerte.”